J’AI TESTÉ POUR VOUS… UNE APRÈS-MIDI EN CLUB BDSM

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photo1_300 (2)Les portes d’un club BDSM se sont ouvertes devant LeReilly et deux de ses amies, une après-midi d’hiver. Plongée dans un autre monde.

Je suis face à une petite porte banalisée coincée entre deux immeubles résidentiels, dans une rue on ne peut plus classique, à la frontière d’un riche arrondissement. Seule une plaque, discrète, affiche la couleur et le nom du club « privé ». Je résiste à l’envie de m’enfuir et d’avouer au reste de la rédac’ (surtout à Mymy, qui me hurlait une heure plus tôt de ne pas annuler, qu’elle VOULAIT savoir) que non, je n’ai pas osé. Je sonne, j’attends une longue minute dans le froid que quelqu’un vienne m’ouvrir.

Un homme me demande mon nom et celui de la personne que je viens rejoindre. Je dois montrer patte blanche et me présenter, parce que je suis un homme seul, parce que c’est ma première fois. Le patron effectue une rapide vérification du dresscode : au minimum tenue noire, mieux si articles fétichistes type cuir ou vinyle. Je suis venu en chemise repassée, jean discret et chaussures de ville. On m’autorise à pénétrer les lieux.

Au vestiaire, un imprimé en majuscules rappelle que les photos personnelles sont interdites. À présent plus détendu, le maître des lieux me dit que ma maîtresse m’attend en bas, nue, et qu’il faut donc que je me déshabille ici dans le hall. Je flaire le piège : l’amie que je dois rejoindre n’est… qu’une amie. Je préfère risquer la fessée que l’humiliation et je garde mes vêtements

Une vaste pièce au sous-sol, aux murs en pierre, fait office de grand salon. Un projecteur diffuse des images suggestives pendant que la plupart des invité•e•s échangent autour du sexe, du BDSM, mais aussi de sujets plus convenus (comme, et cela ne s’invente pas, l’usage du Comic Sans MS dans les posters de soirées libertines), le tout un verre en main. Une femme se promène, vêtue de latex de la tête aux pieds, les jambes clipsées dans un quadruple porte-jarretelles ne laissant voir que ses parties les plus intimes. Un homme déambule presque nu, vêtu d’une très courte jupe en latex rose d’où dépasse son sexe en érection.

Il fait chaud, assez pour accommoder la nudité, pas trop pour ne pas déranger ceux et celles qui restent habillé•e•s. La population est à dominante masculine, la moyenne d’âge tourne autour de la quarantaine. Les femmes semblent toutes être venues accompagnées. D’ailleurs, je rejoins rapidement mon couple d’amies (une dominatrice et une soumise, soit dom/sub), assises dans un canapé de cuir. C’est à elles que je dois cette invitation — ou, comme on dit quand on n’ose pas trop, cette opportunité d’observer.

Je m’assois au milieu, entre celle en ample robe longue et l’autre encagée dans une guêpière à ceintures. Elles s’amusent de ma timidité. Es-tu gêné ? J’assure que non, tout va très bien, ah ah ah. Je demande si je devais vraiment descendre nu : mon amie éclate de rire, elle n’était pas au courant de cette petite blague et regrette un peu que je ne me sois pas laissé avoir.

Quelques hommes seuls se tiennent à l’écart. Certains s’enhardissent, viennent proposer leurs services en tant que masseurs de pieds. Une domina accepte, la photographe de la maison se laisse aussi tenter et en profite pour tirer quelques portraits. D’autres hommes viennent se présenter, serrent des mains, tentent des rapprochements, souvent en vain. Ma compagnie suffit à mes amies, je leur sers aussi un peu de repoussoir face aux autres hommes. Tout ceci est discret et respectueux, les inconnus se retirent avec le sourire lorsqu’ils sentent qu’ils ne sont pas les bienvenus.

Au centre de la pièce, plusieurs crochets pendent du plafond. Un homme assez jeune, attirant, muscles saillants, encorde une femme d’ordinaire plus habituée à être de l’autre côté des nœuds. Vient le moment de la suspendre à un demi-mètre du sol.

La démonstration de shibari (le bondage japonais à base de cordelettes) hypnotise une partie des convives. Moi-même, qui n’étais déjà pas serein, je respire plus vite. Seulement, l’encordage n’est pas optimal et la jeune femme semble souffrir : son poids est mal réparti. Elle veut redescendre. L’encordeur s’empresse de la libérer. Mon amie me rassure : les faux départs peuvent arriver, l’important c’est de ne pas paniquer.

L’homme la rassure, ils discutent un moment, puis reprennent leur jeu, non sans refaire la totalité les liens de façon à garantir une expérience sans douleur. La deuxième tentative est la bonne. Le public est ravi, impressionné, peut-être tenté. Mon amie aimerait m’attacher un instant à sa soumise, si bien sûr je suis d’accord. Mon cœur bat plus fort tandis que coule la corde entre mes poignets. Mon amie ne dit rien, contribue à épaissir l’air de sa concentration.

Le nœud est assez lâche pour ne pas toucher ma peau, ce n’est que lorsque j’essaye de me mouvoir que je prends conscience de ce lien dont je ne peux me défaire, que le cerveau s’électrise sous la décharge d’adrénaline. La dom se passe la langue sur ses lèvres, satisfaite. On me fait faire quelques pas à travers la pièce, attaché à une autre, à devoir me contorsionner pour ne pas créer de nouveaux nœuds. Puis c’est la délivrance.

Alors que l’on me rend ma liberté, dans un registre moins doux, des fessées se font entendre en provenance d’une des plus petites alcôves.

Une femme d’un certain âge, enchaînée au mur, se fait vigoureusement attaquer les fesses. Son maître maintient la pression psychologique, lui parle, lui pose des questions, frappe en cas d’échec. Les mots accompagnent le plat de la main, maintiennent à température. Elle crie, douleur et plaisir se mélangent, viennent résonner à travers les lieux. Notre petit groupe observe, troublé, à chacun•e se demander de quel côté des coups il ou elle aimerait être.

Dans une autre pièce, un homme est maintenu à quatre pattes, les fesses entravées par divers appareils de soumission. Il est aussi immobile que silencieux. Sa maîtresse, assise confortablement dans un épais fauteuil, se détend. Mon amie me colle un coup de coude complice : retour de gêne. Des hommes seuls vont et viennent, observent.

Dès que deux, trois personnes se lancent dans une nouvelle pratique, un nouveau jeu, les voyeurs s’approchent. Ils ne disent pas un mot, se tiennent un peu à l’écart, ils sont comme des fantômes. Mes amies veulent s’embrasser, s’agripper l’une l’autre. Elles demandent, avec douceur, aux autres hommes, de leur accorder un peu d’intimité. Encore une fois le respect est maître mot : ils s’exécutent avec un sourire, bien entendu, aucun problème. Moi seul reste avec elles pendant qu’elles se touchent, qu’elles se dévorent. Bien sûr, elles ne manquent pas de me fixer droit dans les yeux quand elles le peuvent, comme un défi.

Le temps passe, les convives s’enhardissent. Nous entendons le bruit d’une mallette que l’on ouvre dans le couloir à côté de la pièce où nous sommes. Une femme souffle d’excitation. Puis, le son d’éclairs qui crépitent. Impossible de s’assurer de ce qui est en train de se passer : les voyeurs se sont massés en nombre. Mes amies et moi faisons notre possible pour jeter un œil. Le mur est parcouru d’une lumière bleue à chaque nouveau craquement électrique. La femme gémit de jouissance. Mes tripes se nouent.

Cette séance ne dure que quelques minutes. Éprouvée, la soumise se remet de ses émotions, appuyée aux mots aimants de son maître. Sur le chemin du salon, nous croisons l’homme nu du début, enroulé autour de la jambe d’un autre homme qui le toise. La vision est furtive.

Le chemin vers la sortie passe par le bar. La serveuse est une brune nucléaire en bustier-rouge-porte-jarretelles, domina, occupée à discuter communication dans le milieu BDSM (et Comic Sans MS, donc) avec deux dominants. La note du bar est le ticket de sortie qui permet de récupérer ses affaires : de quoi se changer avant de regagner Paris. Paralysé par sa tenue, par la hauteur de ses talons, je bafouille mon prénom et celui de mes amies — qui ont trouvé hilarant de m’envoyer au casse-pipe prendre nos fiches. La serveuse me tend mon ticket et ne remarque pas que j’étais trop bouffi de timidité pour commander ma conso gratuite, incluse dans le tarif d’entrée.

De retour dans le hall, mes amies règlent leur champagne, le vestiaire. À cela les hommes rajoutent le prix de leur entrée : plusieurs dizaines d’euros quand on est accompagné, jusqu’à une centaine pour un homme seul restant une soirée entière. Ainsi vont les calculs genrés de ce type de clubs, mais même avec des tarifs aussi avantageux pour les femmes, la population était aux deux tiers masculine.

Sur le pas de la porte, le patron tente une dernière boutade : il demande s’il me reverra. J’essaie de rire mais je doute toujours un peu de ses intentions. Il est le maître des lieux, celui qui aura toujours l’ascendant. Le club se referme derrière moi alors que mes joues empourprées se heurtent au froid de l’hiver.

source : http://www.madmoizelle.com/club-bdsm-temoignage-321068

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