Après la rupture avec Ambre
Les cours des jours suivants étaient trop lourds à supporter. Je me faisais violence cependant et je les acceptais sans sourciller. Les images d’Ambre à genoux devant Yann me prenaient les tripes et je peinais à me libérer l’esprit. Julia de son côté jouait son jeu, proposant l’écart après le rapprochement. Il n’y a pas meilleur moyen de rendre quelqu’un accro qu’en apportant à son quotidien une épreuve sociale de tease and denial. Le Teasing fut sa balade sur mes genoux quelques jours plus tôt. Le Denial était désormais en jeu tandis qu’elle ne m’adressait plus aucune attention. Mon reste de lucidité me permettait au moins ce raisonnement et je résistais au piège de la confronter le temps que cette tentative d’ignorance passait. Le premier qui cède perd l’autre.
Les rapports sociaux et sensuels ont cette particularité aujourd’hui de montrer son désir par son ignorance. Comment voir alors quelle ignorance est du désir et quelle ignorance n’est que ce qu’elle est. Il existe peu de moyen de s’en assurer si ce n’est un certain flair, parfois trompeur. Nombreux sont ceux et celles qui se vantent de l’avoir et s’opposent à la froideur de leurs alter egos supposés.
Ignoré par Julia et mes amis
Julia m’ignorait. Je savais donc pourquoi, mais pas mes amis. Les discussions moqueuses et perplexes me laissaient de marbre tant par leur bêtise que par leur caractère malsain. Plus je progressais dans la vie active, plus je me rendais compte que pour beaucoup d’êtres peuplant cette société, le charnel n’avait que deux noms ordonnés : préliminaires, pénétration.
L’esprit et l’essence des personnages joués ou non que l’on retrouvaient dans l’univers de la Domination et de la Soumission crevaient les esprits par leur indécence, leur exhibition. Ils ne relevaient pas du sexe « propre ». Rien que ce jeu auquel nous nous prêtions avec Julia renversait leur mode de pensée. Ils ne voyaient que l’acte comme intérêt à cette relation, effaçant le plus passionnant : la bataille qui le devançait.
L’avantage que je retrouvais dans ma relation avec Marie, ma Maîtresse dominatrice, était la permanence de ce jeu. Elle avait réussi et m’avait contraint à bloquer mon esprit dans cette insécurité et soumission permanente, sans espoir aucun d’atteindre le sommet étoilé qui me ferait retomber dans la grisaille de l’indifférence. Pour un couple, car c’est finalement ce que nous étions d’une certaine façon, le meilleur moment constitue toujours la partie pré-consumée.
Questionnement sur le couple puis sur ma relation avec ma Maîtresse dominatrice !
Parfois même, le désir s’estompe quand après avoir fait notre demande la réponse est un oui. Il arrive que les deux minutes suivantes soient les seules heureuses, par l’exaltation d’avoir réussi, et qu’on se bloque ensuite dans une boite bienséante qui nous dit par histoire de société et de romance : tu devrais être heureux plus que jamais. Et tu obéis à cette boite qui t’enferme en réfrénant tes pensées les plus sombres qui t’emmènent déjà vers de nouveaux horizons.
Est-ce que cela veut dire que j’étais malheureux avec Ambre ? Non, ce n’est pas le cas, j’étais définitivement amoureux. Mais il aurait été pur mensonge de dire que je n’ai jamais aspiré à autre chose. En plus. Le couple a cette notion de possession intime, d’acquis. Nul ne veut perdre ce qu’il a déjà, mais chacun veut aussi ce qu’il y a dans le jardin d’à côté. Je me suis souvent fait la réflexion que peu d’hommes et de femmes refuseraient de mettre à profit un pouvoir magique leur permettant de convaincre chaque être humain du monde d’avoir un rapport sexuel avec eux comme ils l’entendaient. La profusion casse le jeu, mais la diversité fait envie. Qui sait alors si la lassitude prendrait ou non le pas comme dans nos relations bien terre à terre.
Besoin irrésistible d’une présence féminine
Julia m’ignorait donc. Je ne pouvais me tourner vers elle. Je n’avais également pas le loisir de me présenter devant Marie, ma Maîtresse dominatrice, sans qu’elle me convoque. J’avais pourtant irrésistiblement besoin d’une présence féminine. Dans une quête bestiale je jugeais et jaugeais à la fois les possibilités qui s’offraient à moi. Une dizaine de filles tournaient dans mon UB, trois d’entre elles étaient à mon goût, dont Julia, et quatre autres étaient « passables ». Ce dernier terme est horrible, mais mes expériences en présence de Marie m’avaient appris à considérer la plupart de mes semblables comme des bouts de viande. Influence terrible qui se mêlait avec une lame de machisme réveillée.
Sans être totalement laid, je n’étais sans doute pas non plus un canon de beauté. Les deux filles restantes à mon goût devaient l’avoir assimilé puisque je n’eus jamais d’indice de leur part pouvant effleurer une sensualité. Je m’en détachais avec dépit, me retranchant sur le passable. Parmi elles, la meilleure amie de Julia notamment. Légèrement plus petite, européenne, blonde mais un peu joufflue avec l’œil pétillant. Silhouette plutôt agréable mais éloignée de mon type réel de femmes (si cela ne s’est pas remarqué, les latines ont un pouvoir sur moi que peuvent seulement surpasser un regard dominant assumé). Cette fille s’appelait Cléo, et j’avais déjà sondé chez elle une particule de jalousie devant les rapports que j’exerçais avec Julia.
Cléo, la meilleure amie de Julia
J’étais dans une phase où je n’avais plus grand chose à perdre. Je songeais même qu’une partie importante de ce qui me restait serait sûrement détruite par Marie plus tard. Je m’emportais donc dans mes élans pendant un cours de droit où chacun se divertissait à sa façon devant un professeur visiblement très fatigué. Ainsi, je profitais de la partie de Candy Crush pratiquée par Cléo sur son ordinateur pour lui donner de derrière un message sur un petit bout de papier.
Elle se retourna en l’agrippant sur son épaule et m’interrogea discrètement en se pointant du doigt :
– Pour moi ?
Je lui répondis d’un hochement de tête par l’affirmative. Elle commença à le dérouler, face à son ordinateur, tandis que Julia à ses côtés se réveilla. Voyant le message écrit de ma main, elle tendit la main satisfaite à sa meilleure amie. Cette dernière la repoussa et lui chuchota avec une once de satisfaction que je crus reconnaître dans sa voix :
– Non, cette fois c’est pour moi.
Interloquée, Julia se retourna vers moi, l’œil dubitatif. Je restais stoïquement les pupilles fixées sur mon clavier (vous racontant le début de cette histoire), heureux d’avoir fait sans m’en rendre compte un coup double : J’entamai peut-être une nouvelle relation discrète et je prenais la main sur Julia, traversée sans doute par un petit souffle de jalousie.
Rendez-vous coquin dans les toilettes avec Cléo
Je ne peux vous dire par soucis de stratégie (je suis à peu près sûr que Julia lit cette histoire en même temps que vous) ce que j’ai inscrit dans ce message, l’important est qu’il sembla faire effet.
Les toilettes du cinquième étage étaient presque désertes à toutes les heures de la journée, mais plus encore à partir de 19h. Elles étaient les seules par ailleurs à disposer d’un verrou général intérieur dès l’espace public, privilège de professeurs. J’attendis l’horaire indiquée, une heure après la fin de nos cours, sur l’escalier de secours face à l’entrée des commodités. Une porte entrebâillée me séparait du couloir disposant des toilettes, l’interstice de quelques centimètres me suffisait à apercevoir ce qui venait et s’en allait.
19h passa, mais personne ne se montra. Je ne perdis pas espoir et continuai d’attendre mon heure. 19h10, mais toujours un silence creux. Quant à 19h15 je m’apprêtais à avouer une nouvelle défaite et rentrer chez moi, des claquements de talons raisonnèrent. Une présence passa timidement mais prestement devant l’ouverture des escaliers et poussa la porte des toilettes. Je reconnus la queue de cheval blonde de ma proie. Elle venait d’entrer quand je me faufilais à sa suite, sans un bruit. Surgissant derrière elle, je lui attrapais les hanches et lui embrassais le cou tel un fauve s’emparant d’une gazelle.
Ma revanche sur ma Maîtresse dominatrice!
Surprise et tendue, elle se laissa faire, jusqu’à me laisser glisser ma main entre ses jambes. L’endroit était déjà humide d’excitation. Je m’amusais à faire convulser ce corps quand elle émit enfin une suite de sons descriptibles :
– Si Julia apprend… hm… ce qu’on fait, elle va me tuer.
Sa soumission semblait si parfaite que je me repris à jouer le rôle qui m’avait fait dîner face à Marie et au-dessus de sa nouvelle soumise. J’y trouvais goût, de plus en plus :
– D’abord, je te baise, dis-je d’une voix grave nouvelle pour moi, après je te donne les règles et tu obéis.
Son souffle s’était accéléré, tandis que je prenais ma revanche sur Marie, ma Maîtresse dominatrice, sur Ambre et que Julia se terrait de jalousie prête à ressortir à genoux. Je croyais déjà avoir repris une place fière dans ce monde, j’étais loin de me douter que tout ce que je faisais me trainait un peu plus vers les abîmes. Mais on ne pense à rien sous l’excitation. On ordonne ou on obéit, on ne pense pas.
A suivre, je l’espère…
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