Lorsque le facteur lui remet ce petit colis emballé de papier kraft, Franck devine immédiatement son contenu. Une boule de chaleur prend aussitôt possession du bas de son ventre. Les mains tremblantes, il le pose délicatement sur la table du salon et s’assois dans le canapé. Les coudes sur les genoux, la tête entre les mains, le regard fixe, il se laisse porter par ses pensées qui se sont immédiatement envolées vers Marie, la nouvelle Maîtresse du jeu, celle qui a confectionné le colis et accessoirement pense-t-il avec un sourire, bouleversé sa vie.
Il y a deux mois de cela, dès leur première rencontre, les premiers jalons de ce qui allait devenir leur étrange aventure, avaient été posés, avec une telle simplicité, qu’en se remémorant ses premiers instants, Franck s’étonnait encore qu’aucun signe avant coureur ne lui eut signalé un tel chambardement de son intimité. Il se souvient de ce premier soir. Du vent sec et glacial qui s’engouffrait dans la moindre ruelle du quartier du Marais, puis de la douce tiédeur de cette galerie exiguë où il avait échoué un peu par hasard. Voguant d’images en images, il s’était arrêté, intrigué devant une photo.
Un corps corseté de latex, le visage encagoulé, portant bas et porte jarretelles.
Etait-ce un homme ? Une femme ? se demandait Franck dans son for intérieur.
- C’est un être… et tellement séduisant !
Ces paroles jetées dans le vide répondaient en un si étrange écho aux questions que se posait Franck que, surpris, il tourne la tête et son regard tombe quelques centimètres en dessous de son épaule sur un sourire qui par son assurance le pétrifia instantanément. . Brune et racée, les pommettes hautes, Marie était vêtue, ce jour là, d’un tailleur que l’on devinait à peine tant elle était emmitouflée dans une incroyable étole qui l’enveloppait jusqu’à mi-mollet.
- Excusez-moi, que disiez vous ? dit-il
- Je disais que cette photo est très séduisante.
- Ah ! moi je me demandais si c’était un homme ou si c’était une femme!
- Est-ce important ? C’est un être, un point c’est tout et il dégage une forte attraction sexuelle. C’est ce qui compte selon moi dans cette image. Pourquoi divisez vous ainsi le monde en deux parties distinctes ? Comme si c’était si simple ! Par exemple… vous ! Le ton, un brin doctoral et sentencieux, ne laisse aucune place à l’objection. Tel que je vous vois, je perçois d’une façon très nette, une vrai sensibilité, une finesse d’esprit que l’on attribue habituellement aux femmes. Et pourtant vous vous affichez comme un homme, enfermé dans un carcan imposé par des siècles de civilisation castratrice. Car c’est, je pense, une véritable castration pour un homme de se condamner à n’être qu’un homme !
En disant cela, Marie avait emprunté d’autorité le bras de Franck et ils se retrouvèrent très vite à la porte de la galerie. Le dialogue aussi étrange qu’il puisse paraître se poursuivit d’une manière parfaitement naturelle jusque tard dans la nuit. Franck se souvenait encore de certaines phrases. « vous ne connaîtrez jamais, hélas pour vous, la sensation de deux sexes féminins qui s’aspirent ». « Il y a une femme en vous comme il y a un homme en moi ». « Ce ne sont pas les sexes qui s’attirent mais ce sont les âmes qui se repoussent »…
Quelques jours plus tard, Franck avait téléphoné à Marie. Prétextant un ouvrage qu’il devait à tout prix lui faire découvrir, il avait suggéré l’idée qu’ils en discutent ensemble. Elle l’avait invité chez elle le lendemain soir, un dimanche.
Ce soir là, dix minutes avant l’heure indiquée, Franck pousse la petite porte de fer forgé. Heureux d’avoir une bonne raison de pénétrer dans l’une de ces impasses privées du XVIème arrondissement qu’il n’avait jusqu’à présent regardé que de loin avec une indifférence feinte et orgueilleuse, obéissant à la parole paternelle qui affirmait ostensiblement que : « entre nous et les gens de la haute, il y a un fossé. Ne t’avise jamais de le franchir, tu y perdrais ton envie de grandir ».
Ce souvenir le fit ralentir son pas. Il regardait les hautes demeures, surprenant dans l’encadrement des fenêtres éclairées, les hauts plafonds moulurés agréablement agacés par des lustres contemporains. Enfin, il arriva au numéro indiqué. Par sa taille, la maison dépareillait dans l’alignement des façades. Petite, mais noyée dans un immense jardin comparable à une jungle, elle correspondait parfaitement se dit franck au caractère mystérieux et fascinant de sa propriétaire. Il sonne, attends une longue minute, re-sonne et la porte s’ouvre.
- Bonsoir, vous êtes parfaitement à l’heure, j’apprécie, entrez.
- Bonsoir.
- Dites-moi, que pensez vous de ma tenue ?
Tout en s’amusant du caractère incongrue de la question. C’est rigolo et charmant, pense-t-il, franck la balaie du regard et note rapidement des escarpins aux talons gigantesques, une longue jupe noire confectionnée dans une matière fluide, presque animale, et un twin-set qui semble être en cachemire.
- J’aime beaucoup répond-t-il
- Ma jupe est en latex, j’adore… mais entrez, suivez-moi !
Elle le conduit dans un salon agencé de manière baroque, l’invite à s’asseoir et, alors que Franck pense à lancer la conversation sur le livre, objet de ce rendez-vous, Marie se tourne, se redresse, le regarde droit dans les yeux et…
- On va s’amuser tous les deux ! Tu es d’accord ?
Sans attendre la réponse, elle enchaîne :
- Es-tu prêt à satisfaire tous mes fantasmes ? Oui, je le sais ! et je sais que tu vas adorer.
Son visage se rapproche de celui de Franck comme si elle s’apprêtait à l’embrasser, puis se détourne au dernier moment.
- Ma petite puce lui susurre-t-elle à l’oreille, je vais te dévoiler la femme qui sommeille en toi. Laisse toi faire, laisse toi aller. Tu vas aimer !
D’un geste elle saisit un long foulard de soie noire qui reposait nonchalamment sur l’accoudoir d’un fauteuil, passe derrière Franck et lui bande les yeux. Elle fait glisser la fermeture éclair de son pantalon, déboutonne sa chemise… En quelques secondes, il se trouve complètement nu. Malgré ses réticences, l’excitation le gagne. Aveugle, soumis aux caprices de celle qui s’est imposée comme la maîtresse du jeu, Franck se demande ce qui va se passer. Il redécouvre étonnamment le pouvoir de l’odorat et du toucher. Le moindre effluve, le plus léger contact éveillent en lui des ondes de sensations qu’il ne connaissait pas.
- Suis Moi!
Elle le saisit par la main et l’entraîne le long d’un couloir, pousse une porte et le tire à l’intérieur d’une pièce. Franck s’emplit du lourd parfum qui y règne. Un mélange suave de notes orientales.
- Tu es dans mon antre, dans mon boudoir. Jamais tu ne verras ce lieu, mais saches qu’à chaque fois que tu en sortiras tu seras autre…
En disant cela, Marie sort d’une commode une guêpière en dentelle noire, une paire de bas noirs, un string de la même facture. Puis, en accompagnant son geste d’un « Oh, cette petite chose t’ira à merveille », elle extirpe d’une armoire une robe épaisse et moelleuse en laine angora noire.
Ils sont tous les deux debout au centre de la pièce. Lui les yeux bandés, aveugle, le corps tendu et elle, s’affairant autour de lui et s’éloignant parfois de quelques pas pour admirer l’évolution de sont travail.
Elle lui passe les dessous comme une gamine qui joue à la poupée, avec attention et tendresse. Puis lui enfile la robe. Le lainage est lourd et soyeux. A la fois comprimé par les dessous et caressé par la robe, Franck vit chaque seconde qui passe comme un instant d’éternité, hors du temps, ivre de sensations sa respiration se fait haletante.
Habillé comme une femme des pieds à la tête, il n’ose pas bouger. Le moindre geste trahirait son immense trouble. Elle lui ôte le bandeau d’un geste brusque. La lumière l’oblige à fermer les yeux, tout juste a-t-il le temps de voir fondre sur lui une masse de couleur noire. Elle lui enfouit la tête dans un gros pull en laine douce se servant des manches pour le bâillonner.
- Tu aimes ? lui chuchote-t-elle à l’oreille.
- Euh… Etonnamment pense-t-il, il ne peut que dire oui.
Il acquiesce d’un signe de tête. Le plaisir qu’elle ressent à le travestir est tel, qu’il est contagieux. Il se sent bizarrement …sexy ! Sexy et ridicule, mais excité. Le pull qui lui couvre le visage, l’isole du monde, l’enferme dans un cocon chaud et odorant. Il bande et pense immédiatement à cette bosse ridicule que son érection doit laisser poindre à travers la robe.
Merde, c’est dingue, pense-t-il, je me laisse trop prendre au jeu. Il faut arrêter, lui dire. Lui dire que ce n’est pas possible, c’est trop ridicule ! Elle ne lui en laisse pas le temps. Elle saisit ses poignets à nouveaux, les attache par-devant à l’aide d’une corde, puis l’autre extrémité à ses chevilles et lui ordonne, d’un léger coup de cravache de se mettre à quatre pattes. Hésitation… mais vite réfrénée par son impuissance physique. Il est véritablement à sa merci.
Elle l’a solidement attaché pense-t-il et même s’il le voulait, il ne pourrait plus, dans sa situation, mettre fin au jeu. Il tombe donc à terre sur les mains et sur les genoux car il n’a pas le choix, et aussi, cela devient de plus en plus vrai, parce qu’il y prends un réel plaisir. Les cordes à ses poignets le tirent.
Il sent la cravache qui remonte entre ses cuisses.
Marie saisit le bas de la robe qu’elle lui a enfilée et la remonte sur ses fesses. Il retient sa respiration. Un liquide froid descends entre ses fesses et les deux mains qui caressaient ses hanches s’insinuent dans la raie. Humidifiées, elles se font douces, glissantes, étendant le territoire conquis jusqu’à la dentelle de la guêpière et la résille des bas. Leurs passages sous les jarretelles exercent une tension sur ces dernières qui se traduit chez Franck par une autre tension… Petit à petit ses fesses oscillent sous les caresses. Elles dessinent dans le rythme des mains de Marie des arabesques languissantes. Un appel au viol de son intimité. C’est tout d’abord un doigt qui y répond, puis deux, vites remplacés par un plug. La respiration de Marie se fait, elle aussi, haletante, ses gestes sont plus brusques.
- Humm, c’est la première fois que tu accueilles un plug dans ton petit cul ? Lui glisse-t-elle à l’oreille. Tu aimes ?
- Nann gémit-il à travers le bâillon.
- Tant pis, moi j’adore et c’est ce qui compte n’est ce pas ? lance -t-elle, appuyant ses dernières syllabes d’un va et vient appuyé du plug dans l’orifice. N’est ce pas ??
Face aux arguments déployés, Claude plie, émettant un oui à peine audible.
- dis moi : « encore »et plus fort que cela.
- Ouimppf… encore Marie, encormpff…!
- Bien. Maintenant debout.
- Il s’exécute et se retrouve en 30 secondes juché en équilibre sur des escarpins de 11 cm.
- Marche petite salope, montre moi ce que tu sais faire
Il esquisse quelques pas maladroits s’efforçant d’être attentif aux conseils de sa perverse initiatrice. L’exercice est périlleux. A la difficulté de se tenir en équilibre sur ses pieds cambrés à l’excès vient s’ajouter le cisaillement des liens qui retiennent ses chevilles. Enfin, fuse l’ordre de s’arrêter. Franck respire. Marie pendant ce temps passe dans son dos et enserre son cou dans un collier de chien comprimant du même geste le pull autour de son cou. La laisse se tend. Il suit le mouvement à nouveau manquant de s’effondrer à plusieurs reprises. La laisse le tire vers le bas et il se retrouve propulsé sur un lit. C’est avec fermeté qu’elle retourne Franck sur le dos, détache ses chevilles et fixe ses poignets aux montants du lit.
Le visage de Marie remonte lentement le long des cuisses de Franck, sa langue gambade de résille en résille pour finir par lécher le vit qui s’est extirpé du string. Ses mains se glissent sous la robe de Franck, caressent sa poitrine corsetée, son visage à travers le pull, se pressent entre ses fesses exerçant un va et vient sur le plug qui le force à se cambrer… L’excitation de Franck est à son comble, il flotte dans un univers de douceur sans fin et sans repères. Il n’est que sens et sensations, il regorge d’un plaisir qu’il ne peut plus contenir jusqu’au moment où, la tête pelotonnée sous la robe, la bouche pleine du sexe de Franck, Marie s’arrête brusquement, se dresse sur son séant et disparaît sans un mot.
L’arrêt est brutal, frustrant, mais la situation de Franck ne lui permet de manifester sa désapprobation. Au bout de quelques instants, malgré sa faible liberté, Franck profite de l’éloignement de Marie pour se mouvoir légèrement. Ses quelques instants d’intimité, seul, face à son étrange rôle de « femme soumise », le contact de la robe sur sa peau, les pressions exercées par le carcan de dentelle lui procurent de douces sensations. Les pas qui se rapprochent l’amènent à s’immobiliser à nouveau.
Attentif, tendu comme une corde, il est aux aguets. Ses liens se délient, son plug est enlevé dans un bruit de succion étrange et les pas s’éloignent à nouveau. Il n’ose pas bouger. Il attend. Les minutes s’égrènent. Il finit par bouger un bras puis le second, enlève son bandeau et dans le clignement de ses yeux qui s’accommodent de la semi clarté. Ainis, il découvre, comme dans un rêve, les parures dont elle l’a orné. Il ne peut s’empêcher de se caresser à travers la robe, ses mains glissent sur ses jambes gainées de soie, puis subitement pris d’un frisson, il se déshabille et jette pelle-mêle ce déguisement de femme qu’elle a osé lui imposé.
Il se précipite hors du boudoir et trouve rapidement le salon. Ses vêtements sont posés sur une chaise. Il se rhabille et sans chercher à savoir où se trouve Marie, se précipite au-dehors. Ses premiers pas dans l’air vif du soir se transforment en une course effrénée. Il dévale une ruelle, s’élance sur un boulevard, croise des regards suspicieux, des visages effrayés qui se fondent dans l’ombre pour ne pas exister. A bout de souffle, la tête vide, il s’effondre sous un porche. Ses mains partent à la recherche d’une cigarette et tombent sur un papier soigneusement plié.
« Tu étais entier, à la fois beau et belle, excitant et excitante, douce et rebelle. Il me fallait te contraindre pour découvrir ce que tu laisses en sommeil au fond de toi. Cette part de sensualité, de douceur et d’abandon, cette femme qui t’habite et qui n’ose s’exprimer. En t’y contraignant, je me suis moi aussi retrouvée entière et entier, mi-homme, mi-femme, un peu des deux et tout à la fois. Nous étions deux anges, asexués et libres.
Dans quelques temps tu recevras un colis chez toi. Tu y découvriras des petites choses que tu devras porter pour notre prochain rendez vous et mes instructions.
Il te faudra les suivre à la lettre.
Je sais que tu viendras, car dorénavant tu m’appartiens.
A très bientôt.
Marie ».
wouha super debut de recit
Le rêve ultime