Retour de ma princesse dominatrice après le travail
Le jeudi était le jour préféré de Jim car c’était le seul jour où Emilie rentrait après lui du travail. Il adorait accueillir sa princesse dominatrice et contempler l’apaisement de ses traits une fois passé le pas de la porte ; un plaisir inestimable. Cependant, ce soir-là, Emilie avait l’air préoccupé. Après un bref échange de bisous, elle se délesta négligemment de sa paire de Louboutin puis s’installa confortablement sur le canapé d’angle. Jim s’occupa de ranger consciencieusement ses trésors non sans en profiter pour en humer les émanations encore chaudes. C’était son petit plaisir personnel. La voix d’Emilie le tira de sa délicieuse rêverie.
-Tu peux ramener la crème rafraichissante.
C’était une demande inhabituelle. Généralement, sa princesse dominatrice utilisait la langue de Jim pour rafraichir ses pieds. En cas de forte chaleur, elle lui demandait de sucer un glaçon au préalable. Ce soir, elle éprouvait probablement le besoin de discuter. Après un bref passage par l’armoire des plaisirs, Jim vint s’assoir au pied de la méridienne puis d’un geste mécanique il frictionna ses 2 mains enduites de crème. Il attrapa avec une grande délicatesse le pied droit d’Emilie et commença le massage. Celle-ci dégagea alors un long soupir de détente.
-Mmmh, ces chaussures me tuent ! Ce serait bien mieux si j’avais un mini Jim intégré !
Jim rougit perceptiblement. C’était le genre de compliment qui nourrissait sa joie de vivre.
-Pink Floyd, oui c’est ça qu’il me faut, album Wish you were here !
Massage des pieds en musique
Emilie pensait à voix haute. Ainsi, son choix du moment se portait donc sur Pink Floyd. Elle adorait se faire masser les pieds en musique. C’était un moment d’extase intense. Elle attrapa sa tablette et enclencha l’album. Les premières notes incertaines de « Shine on your crazy diamond » s’engouffrèrent alors dans l’espace rempli de vide. Ensuite, un intense frisson parcourut les 2 complices dès les premières notes de guitare. La synchronisation était parfaite.
-Marie a eu une nouvelle séance « d’analyse » hier et tu ne devineras jamais ce que lui a dit le psy : « Plus vous serez ignoble, mieux ça ira », cette célèbre phrase de Lacan. »
Jim ressentit un frisson, désagréable cette fois-ci. Il haïssait profondément les psychanalystes qu’il considérait comme des escrocs qui transformaient les humains en monstre d’égoïsme, véritable militant de l’inhumanité. Il n’y a plus rien à tirer des gens en analyse.
-Toi tu en penses quoi ?
-Je vais te répondre par une question, pour toi, comment une femme peut aller mieux ?
Après quelques gouttes de secondes de réflexion, Jim répondit.
-L’amour !
Emilie éclaboussa la pièce de son délicieux rire, puis ajouta.
-Je n’ai jamais rien entendu d’aussi ringard, ce que tu énonces était peut-être vrai dans les années 60 mais nous sommes en 2016, atterris, l’amour c’est terminé. Je vais te dire ce qui rend une femme heureuse, une bonne tasse de café au réveil avec comme accompagnement des tartines de pains frais beurrées, le tout posé sur une table Le Corbusier et une chaise Verner Panton comme trône évidemment, ce n’est pas plus compliqué que ça !
-Pas plus compliqué que ça ! : se dit Jim à lui-même.
Rituel du petit-déjeuner
En effet, il lui avait fallu bien trois mois pour être capable de lui servir un petit déjeuner qu’elle considérait comme convenable. Tout d’abord, il devait se réveiller 1h avant elle en faisant surtout bien attention de ne pas la réveiller. Il s’était nanti d’un réveil-bracelet vibreur pour être le plus discret possible. Puis il se désenchevêtrait méthodiquement du lit. Après un passage éclair dans la salle de bain, il se rendait à la boulangerie du coin de la rue (une chance qu’Emilie en appréciait le savoir-faire) pour y acheter une baguette. S’ensuivait la préparation de 2 tartines taillées au millimètre prêt, légèrement grillées et recouvertes de fin copeaux de beurre. Emilie était très attachée à l’esthétique.
A ce stade, il ne restait plus qu’à disposer les tartines sur la table à un endroit bien précis, à faire chauffer l’eau de la cafetière et à préparer la chaise pour son arrivée. Jim avait toujours été anxieux lors de l’étape du réveil, pourtant celle-ci se passait toujours bien. Il s’approchait avec une douceur ineffable vers sa raison de vivre et lui insufflait les premières lueurs de conscience. Elle se réveillait avec délicatesse en silence et enfilait ses chaussons. Ensuite, elle se dirigeait vers le séjour pour y déguster son petit déjeuner au cours duquel elle scrutait et écoutait avec attention le son du silence mouvementé de la ville en éveille derrière le triple vitrage de la baie vitrée. Emilie était fascinée par le silence. Aucun autre son ne devait parvenir à ses oreilles pendant son petit déjeuner.
Conversation avec ma princesse dominatrice
Jim quant à lui restait en retrait et se payait le luxe d’observer ce petit brin de femme qui dominait cet appartement et qui semblait dominer la ville du haut du sixième étage de l’immeuble. Cependant, ce qui le fascinait le plus, c’était le langoureux mouvement de balancier qu’imposait Emilie à son chausson. Elle le faisait de façon inconsciente évidemment, ce chausson qui restait au bord du précipice, prêt à tomber et retenu in-extremis au dernier moment par un coup de cheville bien maîtrisé ; tout un art. Il en bavait d’excitation…
La voix d’Emilie sortie Jim de sa rêverie.
-Ah et j’oubliais, un bon massage de pieds au retour du boulot est également un bon point.
-Et d’après toi qu’est ce qui rend un homme heureux ?
-Mmmmm, l’amour évidemment, les hommes sont tellement ringards !
Une nouvelle fois, Jim rougit perceptiblement. Emilie avait fait mouche.
-Cependant cette théorie de Lacan m’a atteinte, à vrai dire elle m’a fait penser à nous.
En disant cette phrase, Emilie se redressa et s’assis en tailleur sur la méridienne pour être face à Jim.
-Oui, ça m’a fait penser à moi ! C’est vrai que j’ai eu des comportements horribles avec toi, que je t’en fais baver tous les jours, je me demande même comment tu peux supporter tous ces caprices, je dois t’aimer de travers…
Remise en question de notre relation
Une averse commença à tomber dans le monde de Jim, se caractérisant par des larmes au niveau de ces yeux. Tout cet univers de certitude si longuement battit à deux pouvait s’effondrer. Emilie n’avait pas le droit de douter, c’était elle la reine, elle se devait de garder son assurance.
-C’est vrai, regarde-toi, je t’ai fait devenir une larve, j’ai détruit et refaçonné ta personne. Oui j’ai été horrible, tout ça pour être traitée comme une princesse, je me hais, je suis désolée !
L’averse se transforma en torrent, les larmes refluaient sans discontinuité. Elle qui était si sûre d’elle, pourquoi disait-elle des choses comme ça ? Pourquoi se haïr alors qu’elle était la plus belle personne que Jim ait rencontrée ? Non tout ceci n’avait aucun sens ; un infini désespoir commençait à envahir ses entrailles.
Puis Emilie le prit dans ses bras et cala sa tête contre sa poitrine.
-Désolé Jim, tu connais mon esprit scientifique, en te disant toutes ces horreurs, j’ai voulu voir si en étant horrible ça irait encore mieux au final ce n’est qu’un ramassis de conneries. Désolé d’avoir joué avec toi, on ne change rien, c’est très bien ainsi. »
Jim sanglota encore quelques secondes sa tête bien installée dans son nid douillet, puis il commença à chanter.
-Tu joues avec mon cœur, comme une enfant gâtée qui réclame un joujou pour le réduire en miettes !
Déclaration d’amour
Emilie rentra dans son jeu et ils se mirent à chanter une phrase sur deux.
-Parce que tu as trop d’amour, je viens voler tes nuits du fond de ton sommeil et fais pleurer tes jours !
-Parce que je n’ai que toi, mon cœur est mon seul maitre et maitre de mon cœur l’amour me fait la loi !
-Parce que je vis en toi et que rien ne remplace les instants de bonheur que tu prends dans mes bras !
-Je ne me soucierai ni de Dieu ni des hommes, je suis prêt à mourir si tu mourrais un jour !
-Car la mort n’est qu’un jeu comparé à l’amour et la vie n’est plus rien sans l’amour que tu me portes
-Parce que je suis au seuil d’un amour éternel, je voudrais que mon cœur ne porte pas le deuil !
Parce que, parce que, parce que…
-Viens, il est temps, ça ne peut pas être mieux, fabriquons un nouveau monde !
Parce que…..
Lire Daniel Darc est d’une rareté précieuse.
Pour cela, je vous remercie.
Et j’attendrai la suite patiemment.